Pourquoi le code est-il loi ?
Cet article discute d'un point de vue élaboré en 2000 par Lawrence Lessig dans son article The Code Is Law, en français Le Code Est Loi.
Lawrence Lessig est spécialiste en droit constitutionnel américain, et fondateur de l'organisation Creative Commons. Il s'intéresse notamment à la question de la propriété intellectuelle sur Internet.
Le point de départ de la réflexion de Lessig, à une époque où Internet est encore balbutiant, est l'idée que les gouvernements et les entreprises seront de plus en plus présentes dans l'espace Internet, ce qui risque de priver les utilisateurs de certaines libertés.
Lorsqu'un service en ligne est créé et mis à disposition du public, les usages qui en découlent sont contraints par l'architecture, c'est-à-dire le code, du programme informatique du service. Pour prendre un exemple simple, si l'on vous met à disposition un formulaire qui ne vous permet que de renseigner les champs Prénom et Nom, alors il n'est pas possible de renseigner vos deuxième et troisième prénoms, si vous en avez. De manière plus approfondie, le fait d'avoir a indiquer obligatoirement une nationalité dans un formulaire de renseignement peut bloquer les apatrides lors de leurs demandes, les forçant soit à ne pas pouvoir compléter le formulaire, soit à faire une déclaration mensongère.
Le droit juridique a été conçu par les humains de manière à réguler l'espace social. Il s'agit d'une procédure encadrée et démocratique, qui est par ailleurs amendable par un juge, c'est-à-dire un humain, au tribunal. Cette régulation humaine est plus difficile à mettre en place lors de la programmation d'un logiciel. En effet, cette fois-ci, les règles sont édictées a priori par le concepteur du logiciel, et lorsque celui-ci est mis-en-place, il devient non-amendable, sauf à changer la structure du code avant de mettre à disposition à nouveau le service. Cela bloque l'usager, qui ne peut uniquement faire que ce que le concepteur du programme a souhaité lui laisser faire.
Le problème devient plus complexe lors de la conception d'un programme par une entreprise privée. En effet, utiliser le service nécessite d'accepter la manière dont le programme a été conçu. Dans le cas des réseaux sociaux, il est dit de manière implicite que si l'utilisateur utilise le service, alors, par exemple, l'entreprise qui le propose peut récupérer ses données personnelles pour en faire commerce. Il est d'ailleurs souvent difficile de le savoir, et d'en connaître les enjeux stricts. Par ailleurs, l'architecture du programme est alors décidée de manière unilatérale par l'entreprise, et non construite de manière démocratique par les usagers.
Pour résumer, ce qu'il est permis à l'usager de faire sur le numérique est dicté par le programme lui-même. Un internet démocratique demanderai donc que l'usager soit à l'origine de la construction du programme afin de garantir sa liberté.