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Le tour du monde du jeu vidéo queer, indé et post-colonialiste d’Isabelle Arvers, 2019-2020

UN TOUR DU MONDE ART ET JEU VIDÉO par Isabelle Arvers, commissaire d’exposition et game artiste

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Pour fêter ses 20 ans de commissariat dans les domaines de l’art et des jeux vidéo, Isabelle Arvers, globe-game-trotteuse, se propose de réaliser en 2019 un tour du monde art et jeux vidéo afin d’aller à la rencontre d’artistes du numérique, de développeurs et développeuses indépendant·e·s dans plus de 15 pays du monde.

«Son dessein :
s’engager de juin 2019 à mars 2020 dans un tour du monde à la rencontre des artistes, acteurs et développeurs de jeux vidéo hors des sentiers battus américains et européens pour construire un projet sur la diversité du jeu vidéo et mettre en lumière les femmes du secteur. Activiste d’un art qui s’émancipe des majors internationales du genre, Isabelle Arvers milite pour l’indépendance, pour des formes d’art expérimentales qui aident « à sortir de la vision unique ». - Sébastien Acker 1 La Nouvelle République, 18.01.2019

Si les pays occidentaux ont récemment pris conscience de la nécessité de promouvoir la diversité de genre, de sexualité et de race dans les jeux vidéo avec l’organisation d’événements tels que GaymerX ou Rainbow Arcade, pour n’en citer que quelques uns, qu’en est-il dans le reste du monde?

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Isabelle Arvers workshop at UCLA Gamelab, 2016

ART+GAMES WORLDTOUR vise non seulement à découvrir de nouveaux talents et des modes différents de traiter la question de la diversité mais il se propose aussi de créer du lien et à initier des collaborations avec les milieux du game art, du jeu indépendant, de l’art DIY en Asie, en Inde, au Moyen Orient, en Amérique latine et en Afrique. Il s’agit d’aller à la rencontre des acteurs de ce champ d’exploration artistique, de prendre le temps de partager les méthodes de travail et de concevoir le monde, d’échanger afin de développer un faire ensemble totalement nouveau et qui mette le plus possible en valeur la création féminine et les pratiques queer et décoloniales.

Téléchargez le dossier complet de présentation de ArtGamesWorldTour_VF

LA GENESE DU PROJET

En 2017, Isabelle Arvers passe 15 jours à New York, un voyage rendu possible grâce à De la Mule au Web. Elle y rencontre de nombreux.es artistes ainsi que des professionnel.e.s de l’art et des jeux vidéo, visite des ateliers, fait le tour des expositions. Elle rend compte de cette expérience enrichissante et immersive dans son article sur la scène new yorkaise Art et Jeu vidéo en novembre 2017: Oh Oh I am a curator, I am an art and games curator, I am a curator in New York, Oh Oh!

Quelques mois plus tard, au mois d’août 2018, elle est accueillie en résidence à Platohedro à Medellin et passe trois semaines à donner des ateliers machinima aux communautés proches de Platohedro et à l’association LGBTI Mesa Diversa Comuna quatro.

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Machinima workshop on identity and gender, Comuna Quatro

Par la même occasion, elle présente des conférences sur l’art et les jeux vidéo dans trois universités et écoles d’art (MIT, EAFIT, Universita de Anthioquia). Dans ce cadre, elle rencontre de très nombreux artistes travaillant la vidéo, le détournement des technologies et des logiciels libres ainsi que des développeurs.ses de jeux indépendants et des labos de recherche en réalité virtuelle. Face au foisonnement créatif qu’elle observe, elle décide d’organiser sur place une édition spéciale de Art Games Demos.

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Art Games Demos, Platohedro, Medellin, 2018

Imaginée par Isabelle Arvers et Chloé Desmoineaux, Art Games Demos est une soirée dédiée à l’exposition de créations touchant de près ou de loin à l’art vidéo et aux jeux vidéo.

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Art Games Demos, VV, Isabelle Arvers, Chloé Desmoineaux

Les travaux présentés durant cette soirée peuvent venir d’artistes émergent.e.s ou confirmé·e·s, locaux·ales ou internationaux·ales, avec des projections vidéo en continu, des démonstrations de jeux vidéo indépendants, expérimentaux ou artistiques ainsi que des performances live, des concerts de musique chiptunes et des DJ Sets.

Cette expérience fondatrice s’est attachée à mettre en valeur les questions de la diversité, du genre et de la décolonisation, tout en analysant les méthodes de travail et d’échanges des différentes communautés afin d’en valoriser leur caractère innovant et inspirant. Elle donne ainsi l’impulsion à imaginer un projet encore plus inclusif, transversal et ambitieux: L’ART+GAMES WORLDTOUR

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Evolution of gaming, a retrogaming exhibit curated by Isabelle Arvers in Vancouver, 2014

LE PROJET

Pendant dix mois, Isabelle Arvers sillonnera le monde et séjournera entre deux à trois semaines dans chacun des pays sélectionnés. Elle ira à la rencontre des communautés d’artistes et de développeurs.ses indépendant.es pour la plupart inconnu.e.s en Europe ou aux Etats-Unis, permettant ainsi de faire un état des lieux extensif de l’état de l’art dans l’univers du game, du hack, et de toutes les formes de l’art numérique activiste.

Ces rencontres sont aussi l’occasion d’échanger et de transmettre autour des questions soulevées par des ateliers et des conférences dans les Universités et les Ecoles d’art et de jeu vidéo spécifiquement conçus à cet effet. Le voyage offrira aussi l’opportunité de se rendre aux différents événements spécialisés et de visiter les centres de création [lieux de monstration art numérique et jeux vidéo ; universités et écoles d’art et de jeu vidéo ; centres d’art et nouveaux médias ; hacklabs fablabs ; indie meetup ; gamejam] et d’accroître le réseau en resserrant les liens au delà des frontières.

Pour y parvenir, Isabelle Arvers s’appuiera sur la multiplicité de ses réseaux: féministes, cyberféministes, queer, jeux indépendants, game art, détournement des technologies, hackerspaces, DIY technologies, étudiant.e.s en art et en jeu vidéo, développement informatique etc. qu’elle a su réunir autour d’elle en 20 ans de pratique active et intensive.

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Games reflexions, an indie games exhibition curated by Isabelle Arvers, le Carreau, Cergy, 2013

LES OBJECTIFS

Les objectifs sont multiples:

Partir à la découverte de projets innovants et inconnus en Europe et aux Etats-Unis;

  • Rendre compte de l’état de l’art en matière de jeux vidéo et d’art contemporain;
    élargir la connaissance d’une forme d’expression artistique très répandue mais à la diffusion encore confidentielle;
  • Montrer l’effervescence actuelle de ces domaines et la richesse de leurs possibles croisements hors sentiers battus et réseaux déjà parfaitement identifiés dans une démarche transversale pouvant inspirer les autres formes d’art quant à l’adoption de méthodes collectives et innovantes de création et de promotion;
  • Valoriser des modes de collaboration innovants et inspirants, des nouvelles manières de faire qui peuvent indiquer le chemin de nouveaux modes de relation aux autres, au travail et au virtuel;
  • Mettre en relation et en réseau des artistes et développeur.es de jeux vidéo à travers le monde
  • Favoriser le développement de croisements entre les réseaux européens, occidentaux, et ceux d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie;
  • Mettre en valeur la création féminine, féministe, queer et décolonisée, par la promotion de la diversité dans la création de jeux vidéo et d’art numérique;
  • Garder une trace durable de ce moment historique du développement des pratiques numériques et la restituer afin de venir enrichir la documentation d’une histoire de l’art en cours d’écriture.
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Machinima workshop in Fayoum Art Center, Egypt, 2014

LES RESTITUTIONS

Plusieurs temps de restitution sont prévus permettant une valorisation soutenue tout au long du projet des sponsors, soutiens, mécènes, financeurs de tous horizons du projet. Un accent spécifique est mis sur les oeuvres participatives et sur les projets de type : jeux physiques, jeux urbains, jeux expérimentaux et artistiques, spectacles interactifs, ateliers, performances, installations interactives, jeux en RV, etc…

LES PUBLICATIONS MENSUELLES ONLINE

Tout au long du voyage, chaque visite donnera lieu à un reportage comprenant des portraits d’artistes, de game designers et de developers, ainsi que des critiques d’expositions ou d’événements. Chaque mois, Isabelle Arvers publiera un article vidéo/écrit de toutes ses rencontres, en partenariat avec un média.

L’ESSAI / LIVRE D’ART

Ces reportages, enrichis de l’ensemble de la documentation récoltée [photographies, enregistrements, vidéos, memorabilia, articles, textes, produits dérivés etc], constitueront le matériau de base pour rédiger, concevoir et designer un essai sur l’état de l’art du jeu vidéo actuel et se présentera sous forme de livre d’art.

Cette édition d’art papier se fixe pour objectif de faire le portrait des créatrices et créatifs rencontrés et de proposer un regard critique sur la création “art et jeu vidéo” aujourd’hui dans le monde. Conçu tout au long du voyage, structuré autour des reportages publiés online dont il propose une version plus exhaustive et enrichi des essais muris à cette occasion, il servira de base à l’élaboration du catalogue d’exposition.

LE FESTIVAL DE DEUX JOURS

Afin de fêter le long périple et de donner une première occasion de découvrir les travaux sélectionnés, un événement festif art et jeu vidéo sous forme de festival de deux jours sera organisé. Seront au menu performances, découverte de jeux, liaisons internet avec les auteurs aux quatre coins du monde, projections vidéos, DJ sets etc.

L’EXPOSITION INTERNATIONALE ITINERANTE ART ET JEU VIDÉO

La sélection d’oeuvres et d’artistes venant des quatre coins du monde faite au fur et à mesure sera présentée à un public européen élargi à l’occasion d’une exposition internationale “art et jeux vidéo” itinérante.

LE CATALOGUE D’EXPOSITION

Le catalogue d’exposition viendra enrichir l’essai de matériaux inédits et spécifiques à l’exposition itinérante.

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Isabelle Arvers, testing VR games in Colombia

LES DESTINATIONS

Asie:
Corée du sud
Taïwan
Japon
Thaïlande
Indonésie
Afrique:
Nigeria
Sénégal
Côte d’Ivoire
Amérique latine:
Brésil
Argentine
Mexique
Colombie
Inde
Moyen Orient:
Israël/Palestine
Liban
Egypte

CONTACT

www.isabellearvers.com – www.kareron.com

Ce projet est produit par Isabelle Arvers & Kareron avec le soutien de l’Institut Français à Paris, Mumbai, Buenos Aires et le CNC DICREAM et l’aide à la recherche et à la théorie en critique d’art du CNAP


Étape 1 du tour du monde art et jeu vidéo en Corée du Sud / 9 juillet 2019

C’est parti pour le tour du monde de l’art et des jeux vidéo d’Isabelle Arvers. Hors des sentiers battus américains et européens, cette activiste qui depuis vingt ans défriche et accompagne les jeux vidéo côté art a décidé d’aller dans une quinzaine de pays, de l’Asie à l’Afrique au Moyen-Orient jusqu’en Amérique latine, à la rencontre d’artistes du numérique, de développeurs.ses indépendant.e.s. Pour construire un projet sur la diversité du jeu vidéo et mettre en lumière les femmes du secteur.Forcément, Poptronics ne pouvait que soutenir la globe-game-trotteuse et lui a demandé de nous envoyer régulièrement de ses nouvelles. Sa première chronique est coréenne, entre méditation, soupe d’algues et scène queer.

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Affiche de la Korea Queer Archive. © Isabelle Arvers

Première étape de mon tour du monde art et jeu vidéo en Corée du Sud avec une arrivée à Séoul au petit matin. J’aime tout de suite le quartier d’Insa-dong, entre ses tours immenses et ses maisons traditionnelles. Mon hôtel est proche du quartier traditionnel de Bukchon, que je découvre avec l’artiste franco-coréen Yohan Han. Le temple Jogyesa, borné d’eau et de lanternes de toutes les couleurs, est l’un des plus anciens de Corée. Je tombe sous le charme du calme qui en émane.

Yohan, à Séoul pour coordonner le colloque « Médias situés et mobilités partagées » me donne quelques clés sur la Corée : la pollution qui vient à 30% de la Chine, cette statue, sur un des plus grands axes de Séoul, de l’empereur Sejong, celui qui a créé l’alphabet coréen, le hangeul et ses deux sortes de caractères (un peu comme le katagana et l’hiragana japonais).

Étape 2 du tour du monde art et jeu vidéo | 19 août 2019

Deuxième épisode sur Poptronics du tour du monde de l’art et des jeux vidéo d’Isabelle Arvers, avec escale à Taïwan, cette île à l’histoire politique compliquée qui porte officiellement le nom de « république de Chine ».

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Bienvenue à Taïwan. © Isabelle Arvers

Taïwan fait partie de ces pays qu’on aime d’emblée. Cela tient à peu de choses, des regards, une sensation de détente, une impression de non retenue… On sent qu’ici, on peut respirer en toute liberté.

J’étais attirée par ce pays sans le connaître, avec cette idée un peu vague qu’il résistait au grand voisin, appelé en Asie « Mainland China ». J’étais loin d’imaginer à quel point j’allais adorer Taïwan. En arrivant à Taipei, j’ai découvert le pays de Shu Lea Cheang, cette artiste à la carrière internationale dont je suis l’amie, plus connue ici sous le nom de Cheang Shu Lea. Elle représente cette année Taïwan à la Biennale de Venise avec « 3X3X6 », une installation sur la surveillance et le panoptique à l’ère digitale. Avec ma structure Kareron, Shu Lea et moi travaillons depuis de nombreuses années, notamment sur le bio-jeu multijoueurs « Uki Enter the Bionet » et sur « Uki Cinema Interrupted », un film interactif sur fond d’ère post-Internet, l’intrigue naissant dans une ville de déchets électroniques.

Étape 3 du tour du monde art et jeu vidéo en Indonésie | 21 septembre 2019

Nature et culture, queer et traditions, activisme et jeu vidéo : la troisième étape, en Indonésie, du tour du monde d’Isabelle Arvers sur Poptronics est un joyeux mélange de genres. Exotique et ultra contemporain, curieux et défricheur.

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Un pan de Boco Silino, texte et illustrations sur tissu qui raconte l’histoire et la culture des Bugis. © Isabelle Arvers

« Cherche jeux indé en Indonésie. » Au départ de Bali, dans le bus entre Banyumangi et Yogyakarta, j’ai lancé une bouteille à la mer des réseaux sociaux… et reçu au fil des treize heures passées à parcourir l’île de Java plus d’une trentaine de contacts… Depuis l’entame de mon tour du monde art et jeu vidéo, les réseaux sociaux sont mes amis... Alors que les panneaux indiquent Surabaya à ma droite, je suis justement en train de fixer un rendez-vous Skype avec Brigitta Rena du studio Mojiken… basé à Surabaya. J’en profite aussi pour échanger avec Fahmi Hesni, de Toge Productions, excellent éditeur et producteur de jeux indépendants qui me fournit immédiatement une liste de titres en exacte concordance avec ce que je recherche…

Étape 4 du tour du monde art et jeu vidéo à Bangkok | 5 décembre 2019

Quatrième étape du tour du monde d’Isabelle Arvers à Bangkok, qui fait l’impasse sur le pays du tourisme globalisé pour débusquer la pensée thaï et une création émergente subtilement déviante. La globe-game-trotteuse a décidé, pour fêter vingt ans de curation activiste, d’aller à la rencontre des développeu.rs.ses indépendant.e.s. et artistes de pays d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et jusqu’en Amérique latine, de la scène queer au post-colonialisme. Poptronics accueille ses chroniques du bout du monde.

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La chaîne queer Roger Films, gros succès sur Youtube en Thaïlande (capture écran). © DR

Pour découvrir la Thaïlande, mieux vaut éviter le sud et ses mythiques fonds sous-marins. A la place des poissons et du corail, des marées de touristes écrasent de leurs pieds les fonds en prenant des milliards de selfies… Cette Thaïlande hors sol, parallèle, est le pays du tourisme globalisé, le même que partout ailleurs.

Mon tour du monde art et jeu vidéo rend au contraire possible la rencontre avec des artistes, la découverte d’une création émergente prolifique. Bangkok dévoile au fil de mes entretiens la pensée thaïlandaise, qui réussit à dépasser la censure depuis le coup d’Etat de 2014. Ici, même s’il est compliqué de l’afficher ouvertement, les artistes sont plutôt à gauche et plutôt critiques. Les œuvres engagées politiquement le sont en finesse et en suggestion, pour éviter que les expositions soient attaquées par le régime de la junte militaire, en place depuis 2014.

« Les sujets ne sont abordés que de manière subtile, jamais directement, m’explique Pierre Bichon, de la galerie Tars à Bangkok. Il est cependant tout à fait possible de ressentir ce que les gens pensent… »

Étape 5 du tour du monde art et jeu vidéo au Japon | 22 janvier 2020

Le vernis innovation du Japon est-il en train de craqueler ? Isabelle Arvers poursuit son tour du monde à la rencontre des développeu.rs.ses indépendant.e.s. et artistes de pays d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et jusqu’en Amérique latine. Elle rêvait de rencontrer la scène queer, post-colonialiste et indé du pays des inventeurs du robot et du jeu vidéo. Mais a plutôt découvert des créations poétiques et artistiques. Voici sa chronique tokyoïte pour Poptronics.

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Je rêvais d’aller au Japon, depuis mes études en Sciences politiques et la lecture en 1993 d’un article de Jacques Attali sur les objets nomades (idées qu’il développait dans l’essai « Lignes d’horizon » en 1990). Il y décrivait la capacité unique d’innovation du Japon et son potentiel quasi inépuisable d’invention d’objets miniaturisés mobiles comme le téléphone portable, le GPS, les jeux vidéo, etc.

Un vieux rêve, qui m’avait même poussée à l’époque à apprendre le japonais… Je souhaitais aussi avoir le plaisir de retrouver un artiste, que j’avais exposé à Marseille dans le cadre de l’antiAtlas des frontières en 2013 : Masaki Fujihata. J’avais découvert son travail en 1993 alors qu’il présentait à Imagina (le forum des nouvelles images qu’organisait chaque année l’INA), une de ses plus belles œuvres, la représentation de son ascension du Mont Fuji à partir des coordonnées GPS de sa marche : « Impressive velocity ».

J’aurais aimé aussi pouvoir retrouver Akitsugu Maebayashi, dont j’avais exposé à Villette Numérique en 2002 à Paris l’une de mes œuvres numériques préférées, « Sonic interface ». Cette installation portable pour deux marcheurs, munis de casques audio et d’ordinateurs dans le dos, modifiait le son environnant par différents filtres, afin de perturber totalement le spectateur - par des effets de retard, de boucles ou de transformation sonore.

Étape 6 du tour du monde art et jeu vidéo au Brésil | 1er juillet 2020

C’est reparti ! La pandémie n’a pas interrompu le tour du monde du jeu vidéo queer, indé et post-colonialiste d’Isabelle Arvers, en a juste ralenti le rythme. On a pris régulièrement de ses nouvelles en attendant que la curatrice et créatrice puisse reprendre la chronique de ses rencontres d’artistes et développeu.rs.ses indépendant.e.s. d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Amérique latine. Voici sa chronique depuis le Brésil d’avant le covid-19.

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« Lick My Eyeball », jeu de puzzle signé du collectif de Brasilia Umunum. © DR

J’ai retrouvé au Brésil d’anciennes connaissances, puisque ce pays est l’un des seuls de ce tour du monde que j’avais déjà visité à plusieurs reprises et dont la scène artistique numérique m’est familière. Je ne suis pas en terre inconnue pour évoquer le travail de Rejane Cantoni, Tania Fraga, Gilbertto Prado ou Regina Silveira.

J’espérais cependant repérer une scène émergente d’artistes utilisant le jeu comme médium… mais j’ai découvert avec étonnement que je connaissais déjà la plupart d’entre eux-elles. Et qu’il n’existait pas de nouvelle génération de game artistes.

En revanche, côté diversité de genre, diversité ethnique et diversité sexuelle, le Brésil est sans conteste l’un des pays où ces thématiques irriguent le plus la production de jeu vidéo. Il y a un réel rapport critique et une prise de conscience de « qui » conçoit des jeux vidéo et d’où la parole se situe.