Transmission et émancipation - le corps musical et ses espaces d'expression
S'il est un point où les apprentissages se rejoignent entre musiques dites savantes et populaires d'aujourd'hui dites musiques actuelles, c'est dans l'étroitesse et la gaucherie des espaces d'exploration possibles accordés au corps et à l'esprit dans leurs pratiques.
Ce point commun n'est sans doute pas étranger au fait que dans les deux cas, le geste musical dans son intonation mélodique et rythmique est précédé par sa notation symbolique; qu'elle soit celle du solfège issu de la tradition musicale occidentale, ou celle qu'autorisent les applications de production musicale sur ordinateurs et autres interfaces numériques.
Ce problème récurrent de nos sociétés de l'écrit et désormais technologiques avait été parfaitement analysé par le compositeur hongrois Zoltan Kodaly qui dans une suite d'articles avait argumenté pour un nouveau système d'éducation musicale ouvert à tous les enfants et qui fut par la suite mis en oeuvre par des disciples et collaborateurs sous le nom de la méthode Kodaly.
Pour se faire une idée plus précise des enjeux et résultats de cette méthode étrennée pendant plus de six décennies en Hongrie, voici le lien pour un article de Jérome Bloch sur le sujet :
http://leducation-musicale.com/newsletters/breves1013.htm#_lien3
Cette méthode a prouvé des résultats impressionnants en matière d'enseignement, concentration etc .. y compris pour les aptitudes des enfants dans les disciplines générales, linguistiques, mathématiques ..
L'incarnation physique, par la pratique du chant et de rythmes dansés, qu'elle propose nous donne donc une piste sur l'importance de cette mise en corps qu'offre la pratique de la musique dans le développement des facultés cognitives.
Or, que ce soit dans les musiques de l'écrit dont l'exécution "mécanique" de la partition peut faire fi d'un accord sensible entre le corps producteur et l'instrument, ou l'exécution par la machine de séquences codées dans une application de composition musicale sur ordinateur, le corps musical devient malheureusement le parent pauvre.
Conséquemment, du fait de leurs ingéniéries respectives pourtant à priori divergentes, les musiques écrites et "assistées par ordinateur" en viennent à souffrir de maux similaires : la discontinuité du geste musical, l'étroitesse du cadre d'exploration, et l'obligation d'obéissance.
( exemples et illustrations a suivre prochainement )