Atelier Fantasmagories
Le cinéma est un médium hanté, la projection de personnes, de lieux et de choses qui ne sont plus.
Artists: Fabrice Cotinat & Yu-Ting Su
Un film peut faire apparaître devant nos yeux, comme des fantômes venus de l’au-delà, des performances du passé, des gestes d’acteurs qui ne sont plus, dans des cadres qui ont disparu pour toujours. Lorsqu’un film est perdu, comme l’ont été presque 80% des films muets, il est deux fois hanté, car un film égaré est une œuvre reléguée dans les limbes, une narration sans dernière demeure. Il est condamné à errer en terres profanes, esprit malheureux à qui l’on refuse de projeter sa lumière dans les salles de cinéma. Poussés par un désir désespéré d’entrer en contact avec ces tristes ectoplasmes, qui émerveillèrent autrefois de leur vie lumineuse les rétines réjouies du public, nous avons, tels des charlatans, des imposteurs, des médiums frauduleux, imaginé créer des adaptations à ces histoires. Car nous avons tous terriblement envie d’être dupés. C’est la nature de notre relation au cinéma : « Nous voulons être dupés, trompés, arnaqués ! ». (Guy Maddin)
Cet atelier propose la réalisation de courts films mis en scène avec les élèves. Nous avons réalisé plusieurs séquences filmées. Ces très courts métrages seront visibles simultanément grâce à une diffusion multi-écrans permanente dans l’espace virtuel du musée d’Ipotêtu. Les élèves en sont les interprètes et les auteurs. Nous avons apporté avec nous nos « accessoires minimum de créations », qui sont des œuvres qui nous appartiennent et qui, pour l’occasion, ont été utilisés pour être intégrés dans les films. Le cartable vidéo, la machine à dessiner, le véhicule d’exploration d’expositions. À l’intérieur des films produits, ces « accessoires » doivent devenir des véhicules d’exploration particuliers, utilisés pour voyager dans le collège, dans le temps, dans la réalité et le jeu. Comme des prothèses, leur rôle est d’appuyer et soutenir le jeu des jeunes interprètes, de les transfigurer, de les transporter vers un autre univers. Cet univers est une face cachée du collège, un monde parallèle qui cohabite avec le monde connu en surface et qui nous octroie la possibilité d’une expression libre par la ré-interprétation du quotidien.
Déroulé de l’atelier
L’atelier s’est déroulé au collège Pierre Emmanuel du lundi 26 au vendredi 30 novembre 2018, en collaboration avec les professeurs: Julie Durieu, Marie Falgas, François Calavia, Juliette et Marine (services civiques). L’atelier s’est installé dans les espaces de la salle polyvalente et ponctuellement, pour les tournages, de l’ensemble des espaces du collège.
Après les présentations et l’exposition orale du contenu et but de l’atelier, nous avons visionné le film 3017 que nous avons réalisé ensemble, Yu-Ting et moi-même. Ce film a été tourné dans une bourgade de la Creuse et interprété par les habitants. Puis un débat a été engagé, qui avait pour but de faire comprendre aux élèves comment il était possible et admis de réaliser un film avec des non professionnels, ayant en tête l’idée de réaliser une fiction. Ensuite nous les avons formés au maniement du matériel; Usage du trépied, de la caméra et des éclairages. Chacun s’est ensuite vu assigné des rôles, en fonction de leurs affinités, à travers les pratiques des métiers du cinéma. Les contraintes de groupes ne nous permettaient pas de dérouler un film sur une semaine, les opérateurs et figurants devant s’alterner d’un groupe à l’autre. Nous avons donc convenu ensemble de produire des séquences autonomes qui navigueraient autour d’une histoire commune inventée et inspirée par la vie au collège.
Sans scénario préalable, nous avons imaginé et produit des situations.
Les élèves ont du trouver les lieux dans le collège et produire des situations où ils devenaient à la fois interprètes et réalisateurs tout en s’emparant des moyens et objets mis à leur disposition. Nous les avons orientés dans leurs choix en leur faisant prendre conscience, à chaque fois, des effets visuels et trucages possibles directement à la caméra dans le style de Georges Méliès.