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Introduction

004109.jpg.jpgSi l’œuvre d’art peut être le siège de l’expression humaine et de la contemplation esthétique, elle l’est d’abord par sa présence au monde, son surgissement, sa mise en forme. En cela, elle n’est pas une pure pensée ou réalisation abstraite, mais bien un ouvrage sensible autant qu’intellectuel. Ainsi, une œuvre d’art procède donc d’un certain nombre de moyens d’engendrement artificiel et donc technique amenant à sa présence.

Pourtant, cette implication manifeste de la technique dans l’art ou de l’art dans la technique, à plus conduit la tradition philosophique occidentale à les opposer en les différenciant, qu’amener celle-ci à révéler leurs liens co-constitutifs (cf. Platon, Aristote, Descartes, Kant, Hegel, Heidegger, etc.). Cette opposition s’accompagnant d’un dévalorisation du processus d’advenir de l’artefact au bénéfice d’une valorisation du sujet ou de l’objet de sa réalisation au sein d'une ontologie substantialiste.

En effet, l’art comme la technique sont traditionnellement rapportés à un devenir qui ne leur appartient pas tout à fait et qui les opposent. Les beaux-arts, comme dispositions mimétiques de l’homme à produire librement, comme parachèvement de la nature, de l’existence ou dévoilement de la vérité; furent longtemps identifiés en dehors des œuvres et donc moins dans leurs devenirs que dans les sujets ou objets de leurs réalisations : l’homme ou la nature, la liberté de l’artiste créateur ou les mondes révélés par son œuvre. Au même titre, les outils, instruments, machines, sont relayés à leurs fonctionnalités et la technique à l’application docile d’un savoir théorique qui la précède : l’objet technique est réduit aux usages et commandes qui préfigurent et suivent son confectionnement sans considérer en tant que tel son processus d’engendrement.

Ainsi, contrairement à la technique, l’esthétique traditionnelle se rapporte à l’art au-delà de lui-même : au-delà de son objectivité et de ses moyens de réalisation : à l’invisible qu’il dévoilerait plutôt qu’au dévoilement qu’il opère. Quant aux considérations sur la technique, elle se rapporte au contraire en deçà de l’objet technique : dans l’application soumise à un savoir-faire qui préfigure et commande sa mise en forme par l’arraisonnement de son milieu plutôt que dans ses processus de fabrication même.

[...en cours de rédaction...]

D’après l’expression retrouvée parmi les brouillons d’une lettre du philosophe Gilbert Simondon à Jacques Derrida et reprise dans les travaux du philosophe et artiste Ludovic Duhem, ce livre dit "techno-esthétique" cherche à rassembler un ensemble de pensées et réflexions de tout horizon, considérants de près ou de loin les enchevêtrements inhérents à la technique et à l’art.

 

 

Illustration : Jean Tinguely et Bernhard Luginbühl, projet « Kulturstation − Gigantoleum », 1968, sérigraphie, stylo-feutre et stylo à bille, Musée Tinguely, Bâle.