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fête FORAINE | ENIAROF etêf / Annick Rivoire, poptronics 12.05.17

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Un livre DiY et à contributions multiples, dont les illustratrations de Clorinde Durand. © DR

Les bonnes feuilles de BookNIAROF, le livre de recettes de jeux déviants

Poptronics vous propose des extraits d’un livre qu’on attendait depuis longtemps, sorte de cookbook pour fabriquer des attractions déviantes, le « BookNIAROF ». Ce « livre Frankenstein, » affirment leurs auteurs, présente l’aventure d’ENIAROF (foraine à l’envers), objet artistico-ludique imaginé en 2005 par l’artiste Antonin Fourneau en guise de projet de diplôme pour les beaux-arts d’Aix-en-Provence, accompagné par son enseignant d’alors, Douglas Edric Stanley.

Le livre restitue l’ambiance de la vingtaine d’ENIAROFs organisés depuis 2005, en France et à l’étranger, avec toujours un système d’atelier de fabrication DiY en amont.

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Affiche ENIAROF 14, en 2014. © DR

Interview, page 15

Antonin Fourneau & Douglas Edric Stanley

« Deux artistes complices portent et diffusent ENIAROF, des rendez-vous éphémères ludico-artistiques qui convoquent sur deux ou trois jours le public à jouer à des attractions déviantes, qui détournent et hackent arcades, jeux vidéo et autres juke-box de la vogue d’antan.

(...)


© Clorinde Durand

« C’est phénoménal le nombre de gens qui connaissent et adorent ENIAROF sans jamais y avoir assisté ! Alors, c’est quoi au juste cet objet ludique non identifié (OLNI) ?

« Antonin Fourneau : C’est une façon de casser le ghetto de l’art numérique en disant que oui la technologie, ça peut être un truc dans une cage en bois, et pas une station graphique boîte noire impénétrable.

« Douglas Edric Stanley : On ne fait ni flash-mob ni apéro Facebook, mais on peut parler d’ENIAROFisation… L’idée, c’est que les artistes invités à participer à un ENIAROF ne soient pas trop « princesses », qu’ils ne pensent pas trop au sens de leur “œuvre” quand ils créent leurs installs. C’est pour ça qu’on leur parle d’attractions, en posant des questions simples, du genre : “Et si vous faisiez le tout avec du Scotch ?”

« Antonin : Notre parti pris de “piquer” les jeux pour les mettre dans ENIAROF, vient du fait que ma génération est parfaitement au courant des règles du jeu vidéo, qu’on peut l’amener dans un contexte qu’elle connaît en changeant juste un peu les règles… ENIAROF ne “fait” pas du jeu vidéo en tant que forme, mais choisit la forme la plus populaire d’interaction qu’est le jeu vidéo. ENIAROF est un lieu pour des choses qui n’ont pas encore de cadre, des expériences qu’on peut tenter, et même rater.


ENIAROF Aix-en-Provence 2013. © Manuel Braun

« Douglas : Nous travaillons à fabriquer un ENIAROF pendant deux à trois semaines, et en deux ou trois jours on appelle le public à le détruire. D’habitude, on va dans un musée voir de l’art contemporain et c’est déjà assez compliqué à comprendre. En plus avec le numérique, il y a des boutons partout, souvent l’installation est cassée parce que c’est toujours à la limite technique… Le dogmENIAROF répond de jolie manière à cette situation : si une attraction se casse, c’est qu’elle a été aimée. Si une chose ne marche pas, elle peut être recyclée. La notion de débordement est ainsi prise en compte.

« Antonin : Et si ton attraction ne marche pas, tu collabores avec le voisin sur la sienne ! ENIAROF est influencé par le jeu vidéo, sa temporalité, ses règles du die and retry que tout le monde connaît : le jeu vidéo, on l’allume et c’est game over. C’est un mouvement de design de jeu, de détournement, de recyclage. Les gens qui jouent aux jeux ont tendance à contourner les règles. Nous nous en inspirons pour aller au-delà : on a fait des crêpes sérigraphiées et on fabrique des bars en palettes…

« Douglas : C’est comme avec l’installation de “Fuckings machines” dite “Combat de cocks” : la formule aurait pu tourner de façon douteuse, un godemiché moulé fourré de confetti ou de farine…

« Antonin : Alors qu’on a abouti à quelque chose qui relève d’une certaine esthétique : la “Fucking machine” aurait pu avoir lieu dans un univers uniquement potache, on l’a pensée comme une joute de combat lors d’ENIAROF 13. Mais tout est une question de mise en scène. ENIAROF, c’est aussi une méthode : des artistes et un temps de fabrication sur place au maximum de deux semaines en amont, sous forme de workshop. Au début, chaque participant devait vendre son concept en une punchline. S’est posée la question de la validation. Comme c’était compliqué, on l’a fait à l’applaudimètre, et ainsi tout le monde valide tous les projets. ENIAROF fonctionne généralement sous la forme d’invitations au collectif, on vampirise les festivals d’art numérique ou certains espaces mal définis.

(...)

« Bon alors au final, c’est de l’art, de la foire ou du jeu indé, ENIAROF ?

« Douglas : Dans les énormes salons du jeu vidéo, tous sont là pour jouer, faire du cosplay, et pendant qu’ils mangent des hot-dogs et des pizzas dégueu, il y a bien quelques geeks qui montent sur scène pour un moment Guitar Hero, mais même quand ils partent sur du death metal, rien ne déborde, tout reste confiné. Jamais la scène n’atteint la démesure de l’imaginaire de ceux qui y montent. Il manque aux salons de jeux vidéo le fameux cercle magique de Johan Huinzinga. Dans tous les cas, je ne l’ai jamais trouvé là-bas, ce cercle social dont parle l’auteur d’“Homo Ludens” (“Homo Ludens : essai sur la fonction sociale du jeu”, Johan Huinzinga, Gallimard, 1977). C’est souvent dans les bars ou les boîtes de nuit en marge de la GDC (la conférence des développeurs, ndlr), avec bière et musique, que naissent les propositions plus intéressantes. Ou encore le Game Art Festival monté par Eddo Stern au Hammer Museum de Los Angeles, ou au San Francisco Museum of Modern Art quand ils organisent une soirée indiegaming (le jeu indé, ndlr). Quand j’ai rencontré un des fondateurs du uber-cool game space Babycastles, c’était il y a fort longtemps, dans une résidence artistique, en Islande. Avant d’être un des chouchous de la scène “indie”, il se disait juste “artiste”. Il faut traîner dans quelques lieux artistiques pour voir l’avenir du jeu vidéo.

« Antonin : ENIAROF est un terrain vague. À ceux qui vont y venir de définir ce que l’on y met. ENIAROF s’inspire de l’importance du terrain vague dans le jeu, concept développé dans « Jouable » (colloque, exposition à Genève en 2004) par le philosophe Hiroshi Yoshioka (IAMAS). Il y rappelait qu’au Japon après-guerre, le terrain vague tenait le rôle de terrain de jeu mais qu’aujourd’hui, « le moindre espace de la ville est affecté à sa fonction, et les enfants sont censés jouer dans l’aire de jeu » (in “Jouable, Art, jeu et interactivité, Genève Tokyo Paris”, page 129, catalogue, 2004). Autre texte important pour ENIAROF, c’est l’“Éthique du pique-nique” de l’artiste Étienne Cliquet qu’il a écrit après avoir réuni un collectif dans l’exposition “Villette numérique” (Paris, 2004). Comme dans un pique-nique où se pose la question de savoir qui aura pensé au tire-bouchon, dans ENIAROF, ce sont ceux qui y viennent qui définissent ce qu’on met dans le container.


ENIAROF Moscou 2016. © Antonin Fourneau

« Douglas : Je me pose la question du rôle de l’indiegaming. ENIAROF en fait-il partie ? Je suis de la génération du classic gaming. Dans l’indiegaming se trouvent les prémices d’un mouvement plus artistique, comme le collectif Tale of Tales, qui développe un univers plus dense et riche que n’importe quel jeu indé. L’indiegaming annonce que les choses ont changé, mais est-ce que le jeu vidéo lui-même va s’ouvrir ou se refermer ?

« Antonin : ENIAROF a un côté gazeux, vaporeux, comme le milieu du jeu vidéo : le corps doit être présent pour le toucher, il faut y être pour le saisir. S’il doit y avoir un côté rétrogaming d’ENIAROF comme dans le jeu indé, c’est en privilégiant ce moment des bornes d’arcade dans les bars, ces agoras. Maintenant, une masse de gens joue avec un éventail de formes de jeu. »

Interview, page 126

Eddo Stern


© Clorinde Durand

« L’Américain Eddo Stern est artiste, game designer et fondateur du Gamelab de UCLA, le labo game design de l’Université de Californie Los Angeles. Celui-ci organise et programme le Game Art Festival, un mélange de festival de jeu indé, de joyeuse fiesta de fin d’année et de performances et happenings ludiques. ENIAROF comme le Game Art Festival sont à ses yeux des objets indispensables pour susciter la créativité hors de l’industrie, et pour valoriser le jeu vidéo dans toute sa diversité, loin du rouleau compresseur unificateur de l’industrie.

« Comment avez-vous connu ENIAROF ?

« L’un des projets du Gamelab de UCLA est l’arcade-sac à dos Arcade Backpack, un sac plutôt cool qui porte un serveur open source et des jeux faits par nos étudiants. Après que Douglas Edric Stanley est venu pour un workshop au Gamelab, puis à Swissnex en 2013, un événement partagé entre le Gamelab et la Suisse, Douglas et d’autres étudiants impressionnés par le projet ont voulu créer leur propre version. Nous avons rendu accessibles les plans. Ce sac, devenu le modèle de distribution portable du Gamelab, nous l’avons utilisé pour infiltrer les plus gros festivals comme l’E3, la GDC (la Game Developper Conference, réunion annuelle des designers de jeux) ou l’Indiecade. Nous avons échangé sur nos événements respectifs, celui que j’organise avec le Gamelab et ENIAROF, qui évoque un carnaval de jeux et d’extravagances.

« Ça a été chouette de découvrir que sans nous connaître, nous faisions la même chose. Le Game Art Festival de l’UCLA a débuté il y a 5 ans et a toujours été un mix de game art, de performance, de création de jeux vidéo à la croisée d’autres médias. ENIAROF a une approche similaire. Quand j’ai rencontré Antonin Fourneau, nous nous sommes découverts bien des vues identiques sur le jeu. C’est extrêmement rare de trouver des projets non commerciaux dans le jeu vidéo. Notre programmation est très extrême, anti-commerciale d’un point de vue dogmatique. Je m’évertue à préserver au moins l’illusion du non commercial pour que les game designers ne pensent pas en ces seuls termes. Sans les empêcher pour autant de réfléchir à la monétisation de leurs jeux. D’ailleurs, certains sont devenus des succès, comme « Nidhogg » de Mark Essen ou « Perfect Woman » de Lea Schoenfelder et Peter Lu, un jeu féministe qui sera porté sur X-Box.

« ENIAROF signifie fête foraine à l’envers. En Europe, les bornes d’arcade ont d’abord circulé à la campagne grâce aux foires. ENIAROF est une forme d’hommage à ce patrimoine. Est-ce la même histoire aux États-Unis ?

« Oh oui ! Le jeu vidéo a quelque chose à voir avec l’itinérance et le voyage. Dans l’Ouest d’antan, les grands spectacles itinérants de l’Ouest sauvage permettaient au public d’expérimenter le tir. C’étaient les prémices du carnaval. La première édition de notre festival en 2010 s’appelait d’ailleurs Game Lab Carnaval. Nous l’avons pensé comme une fête, en contradiction totale avec l’histoire des manifestations autour du jeu vidéo en Amérique. Que vous alliez à l’Indiecade, à la GDC ou à l’E3, les gens que vous croisez sont tous là pour vendre leur jeu. Notre festival illustre bien la bifurcation qui s’est produite au sein du jeu indé : d’un côté des gens qui sont “indés” parce qu’ils n’ont pas assez d’argent, de l’autre les gens qui sont “indés” parce qu’ils résistent au mainstream d’un point de vue théorique. Les manifestations de jeu vidéo qui ont pris le nom “indie”, plus précisément l’Independant Game Festival (IGF), ne célèbrent en aucun cas la contreculture mais valorisent la signature de contrats de distribution. Indiecade est un peu plus intéressant parce qu’il réunit les deux sens du terme indé mais il est quand même rempli de gens qui refilent leur carte de visite et cherchent à vendre leur jeu. Les festivals PAX à Seattle, Vector à Toronto et A MAZE à Berlin célèbrent au contraire une contre-culture avec énergie et ne cherchent pas à vendre des jeux, mais à leur rendre hommage. Nous, comme ENIAROF, tentons d’inventer une culture actuelle à un moment précis et dans un lieu donné. Ce n’est pas une passerelle vers un modèle commercial, l’événement crée sa propre valeur. Cette façon de penser permet de susciter la créativité dans un contexte qui n’est absolument pas celui de la distribution commerciale du jeu vidéo.

« L’industrie du jeu vidéo se déplace-t-elle au Game Art Festival ? Beaucoup d’observateurs d’ENIAROF déplorent que ce ne soit pas le cas en France.

« Notre situation n’est pas si différente mais peut-être pas aussi extrême dans la mesure où nous sommes à Los Angeles, une ville où l’industrie et la culture sont tellement liées que les frontières sont plus poreuses. Et puis, l’autre fait qui nous distingue est que le festival provient de UCLA, la plus prestigieuse université de Los Angeles et sans doute l’une des universités de premier plan aux États-Unis. C’est une institution avec une énorme crédibilité non artistique.

« L’industrie du jeu voit-elle ce festival comme bon pour le business ?

« Tout à fait. Ils voient le business, encore plus sans doute que dans un festival comme Games for Change à New York où ces dernières années, les plus grosses compagnies de l’industrie sont venues chercher le jeu qu’elles pourraient en sortir. Si l’industrie voit que le serious game (le jeu sérieux, des programmes informatiques de formation ou de propagande utilisant les techniques du jeu vidéo, ndlr) touche plus d’audience, elle y vient, si les jeux indés font parler d’eux, elle y vient.

« Peut-être ne vient-elle pas à ENIAROF parce qu’il s’agit d’un événement éphémère dont sortent très peu de “produits” ?

« C’est tout à fait ça. Il est très difficile de monétiser une sculpture de saut qui ressemble à un jeu. On peut évidemment penser à une monétisation. ENIAROF pourrait faire payer l’entrée comme dans un parc Disney ou un cirque. C’est une question de changement de modèle marketing. Si quelqu’un souhaitait investir de l’énergie entrepreneuriale pour un festival itinérant de jeu vidéo, un cirque vidéoludique ou un parc à thème jeu vidéo, cela pourrait aisément constituer le futur.


ENIAROF Moscou 2016. © Manuel Braun

« ENIAROF est proche de l’esthétique des Babycastles, de la scène 8bit, du DiY, du rétrogaming. Qu’en pensez-vous ?

« Par certains côtés, la nature nostalgique du rétrogaming m’ennuie. La nostalgie est une émotion compliquée, vraiment. Il y a cette façon de régurgiter les styles et les idées de façon commerciale, cynique ou tout du moins très avertie. Prenez la mode qui ne fait que régurgiter des styles anciens avec une forme de prédictibilité. La boucle nostalgique est une forme contemporaine de rejet de la culture dominante, ce n’est pas de la nostalgie progressive, mais de la nostalgie résistante conservatrice. Dire « je n’aime pas ce qui se passe mais c’était mieux avant », ce n’est pas la même chose que de dire « je n’aime pas ce qui se passe, essayons de faire quelque chose de différent ». Avec les jeux, la résistance est plus « cool », au sens où les amateurs de rétrogaming ne veulent pas de la dernière nouveauté mais qu’ils privilégient la créativité. Ceci dit, on en revient sempiternellement à la technologie. Un jeu 2D, comme tous ces jeux revisités un million de fois, les Pong, Pacman, Asteroids, Tetris, Space Invaders, Mario, sont basés sur des structures simples qui laissent la place à l’improvisation. Ces jeux offrent une toile vierge pour la créativité et l’improvisation.

« “Pong”, “Mario” ou “Tetris” ne font-ils pas partie de notre culture commune ? Ne pourrait-il pas s’agir d’un hommage, comme au théâtre on joue Shakespeare depuis des siècles ?

« C’est une parfaite définition du mot iconique. “Pong”, “Mario” ou “Tetris” sont les icônes du jeu vidéo. Ce sont des jeux très populaires qui incarnent à la perfection les mécaniques primaires du jeu vidéo toujours en cours aujourd’hui. Par exemple quand on dit jeu de plateforme, la plupart des gens pensent à “Mario”, si on dit jeu de tir, c’est “Space Invaders” auquel on pense… Ils sont nés à l’âge d’or du jeu vidéo, quand les concepteurs cherchaient à faire faire des choses amusantes à leur machine… Ces jeux sont malléables parce qu’ils sont une culture iconique simple et ouverte.

« ENIAROF, le Game Art Festival, le Copenhagen Game Collective, les Babycastles… tous ces gens qui jouent aux jeux sans suivre les règles de l’industrie apportent tout de même une nouveauté ?

« Ce qui est nouveau en un sens, c’est que leurs jeux ne sont pas carrés, que leurs frontières sont libres et dégagées, que leurs écrans ne sont pas parfaits et ne portent aucun logo corporate. Avec eux, le spectacle dure bien après minuit et le public est saoûl – à la fin de notre festival, c’est le cas ! Ils autorisent une forme de respiration spontanée, grunge, vivante, imprévisible, voire dangereuse, à cette culture très contrainte et sous contrôle. C’est très très différent des grosses conventions de jeu vidéo où l’on voit la dernière version de WoW. Au festival A MAZE à Berlin, tous les organisateurs sont bénévoles et leurs vieux PC sont mis bout à bout pour tenir jusqu’au bout de la nuit, avec un public qui prend des drogues et diffuse une tout autre énergie. J’y ai croisé des gens qui venaient d’Istanbul en train et de partout en Europe, comme pour un festival rock.


ENIAROF Moscou 2016. © Manuel Braun

« ENIAROF est né à l’intérieur d’une école d’art. Vous avez conçu votre festival depuis le département art de UCLA. Pourquoi ces formes de culture live du jeu vidéo naissent-elles dans des écoles d’art plutôt qu’au cŒur de l’industrie ou dans les écoles de game design ?

« Les écoles d’art ont une tradition d’externalisation du studio au moment de l’exposition de fin d’année, qu’elles ont toujours combiné avec un certain esprit de la fête. Le spectacle de fin d’année est la production finale du travail fait en école d’art, comme la projection serait le modèle de l’école de cinéma. J’ai proposé le festival dans la tradition de notre spectacle de fin d’année. La première édition était à moitié composée d’étudiants de UCLA et à moitié d’étudiants d’autres écoles de LA, l’année suivante nous avons élargi au-delà de LA, et l’an dernier au-delà des seuls étudiants.

« Cela a-t-il été difficile à imposer à UCLA ?

« J’ai l’impression d’avoir toujours dû mener une bataille contre la stigmatisation des jeux vidéos. En tant qu’étudiant en art, j’ai commencé à faire des jeux en 1996, à parler et convaincre des gens que le jeu vidéo était cuturellement intéressant et pertinent et pouvait être considéré comme une forme d’expression. Ça a été difficile pour moi mais ça ne l’est plus : j’ai dû parler à tellement de galeristes, de responsables de musées, d’administrateurs, que je sais maintenant quoi dire à qui. Aux curateurs du Sundance préoccupés par des questions sociales et qui pensent que le jeu n’est que pur divertissement, je montre “A force More Powerful”, qui enseigne la non-violence, ou, à l’opposé, “America’s Army” (le jeu réalisé par l’armée américaine pour recruter ses soldats, ndlr). Les gens du milieu de l’art attendent qu’on leur parle lieux d’art – “regardez j’ai montré mon jeu à la Kunsthalle de Düsseldorf et à la Tate de Liverpool”. Les gens pensent le jeu vidéo comme une entité unique, un objet d’entertainment pour enfants et jeunes adultes ou un produit violent… J’argumente qu’il y a une différence d’importance entre ce qu’ils en pensent, ce qu’en dit la télé ou les journaux et ce qu’est réellement le jeu. Nous devons demander aux institutions culturelles de mettre le jeu au premier plan, nous devons nous battre pour sauver les jeux en tant que média de la mainstreamisation corporatiste qui les guette.


ENIAROF Roubaix 2016. © Manuel Braun

« Et l’idée d’un livre de recettes pour reproduire les installations d’ENIAROF ?

« C’est une idée géniale. J’adorerais qu’ENIAROF vienne à Los Angeles et qu’on fasse une édition dans le désert ! »