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anthropo/Scène ?

Un axe de travail commun : de l’holocène à l’anthropocène

Un terme a récemment été popularisé dans le débat actuel sur le changement climatique : l’Anthropocène. L’Anthropocène est un terme chronologique géologique utilisé pour qualifier l’époque où les activités humaines ont commencé à avoir un impact global significatif sur les écosystèmes de la Terre, une époque stratigraphique dont le marqueur principal est l’industrialisation et dont les indicateurs ont pris une courbure exponentielle depuis la Seconde Guerre Mondiale et la première bombe atomique sur le Nouveau Mexique le 16 juillet 1945. On parle alors de Grande Accélération, de sortie de l’Holocène et d’entrée dans l’Anthropocène. Cela soulève une question immédiate : puisque l’histoire géologique est évaluée sur des périodes de temps qui vont bien au-delà du temps humain, l’Anthropocène pourrait-elle apparaître comme une définition bien trop anthropocentrique ? Qualifier notre temps d’Anthropocène est en réalité montrer qu’un un point de non retour a été franchi : nous ne retrouverons plus les conditions écologiques de l’Holocène.

L’Holocène a en effet été fixé au 19ème siècle comme une ère géologique démarrant à la fin de la dernière période glaciaire du Pléistocène (environ -12000 ans), époque de réchauffement planétaire marquant le début d’une nouvelle époque d’extinction d’espèces et l’avènement du processus d’anthropisation. Si l’Extinction de l’Holocène est le nom donné pour qualifier le continuum d’extinction massive et étendue des espèces durant le temps humain, aujourd’hui le terme de Sixième Extinction s’est imposé pour marquer son accélération constante depuis le 19ème siècle, un rythme aujourd’hui supérieur à celui des cinq grandes extinctions précédentes. Les activités humaines sont les causes directes ou indirectes des extinctions de l’Holocène, mais l’entrée dans l’Anthropocène fait de l’appauvrissement des écosystèmes et de la réduction exponentielle de la biodiversité un autre des drames de notre temps.

Les temps de la Sixième Extinction et celui de la Grande Accélération de l’Anthropocène coïncident. Dès lors une question effrayante émerge, l’horizon final de l’Anthropocène pourrait-il être l’extinction de l’espèce humaine elle-même ? Comment vivre alors le temps de l’Anthropocène ?

Christophe Bonneuil , historien au CNRS, auteur remarqué de l’Événement Anthropocène, nous éclaire sur ce constat partagé par de nombreux scientifiques, sur ce temps nouveau géologique et notre « impuissance politique » à y faire face, de même que sur les différents récits officiels qui nous poussent à repenser ce poids inéluctable de l’histoire de la Terre modifiée.

 

De nombreuses critiques des scénarios déresponsabilisant des  « anthropocénologues » ont d’ores et déjà avancé des récits alternatifs pour débrouiller les ficelles de notre temps : Thermocène, Thanatocène, Phagocène, Phronocène, Polémocène, Capitalocène, Anglocène, Chthulucène… L’analyse des différents récits de l’Anthropocène peut nous permettre de « repeupler les imaginaires » nous disent les philosophes Donna Haraway et Isabelle Stengers.

Engagé dans le décryptage de ces récits, Christophe Bonneuil nous rappelle que de nombreux lanceurs d’alertes ont pointé ces derniers siècles le risque d’impact définitif de l’industrialisation sur le système Terre : de Buffon à Charles Fourier, de Aldous Huxley à George Bernanos, de Herbert Marcuse à Ivan Illich. Nous faire croire que nous n’en aurions pris conscience que très récemment, avec la planétarisation des systèmes de captations et les évaluations du GIEC, est donc une virginité à bon compte pour une société industrielle qui n’a eu de cesse de poursuivre sa fuite en avant.

Christophe Bonneuil analyse dès lors quatre versions politiques des causes et des solutions  dominant le contemporain :

→ Premièrement, une vision naturaliste et technocratique prise par les institutions internationales qui nous proposent des nouveaux guides scientifiques pour régler ces dysfonctionnements écologiques ; cette version propose que les ingénieurs scientifiques inventent pour l’humain des remèdes technologiques. Faisons-leur confiance.

→ Un deuxième récit est décrit comme le « bon anthropocène » piloté par des post-environnementalistes technophiles, c’est à dire du techno-optimisme proche du transhumanisme, qui pose des réflexions philosophiques et magnifie les laboratoires de recherches où tout va s’inventer pour notre liberté.

→ Une troisième pose sur l’époque actuelle une prédiction d’un effondrement proche, résultant de la non-appréhension de la finitude des ressources et de la terre et préconise une politique de décroissance et une résilience organisée.

→ Une quatrième version tend à définir notre époque comme le signe du paroxysme d’un modèle liant capitalisme et désordre écologique (la révolution industrielle). Ce système centralisé a organisé un développement technique, le flux de ressources et une répartition des déchets en périphérie… de l’Occident.

Et Christophe Bonneuil de conclure que nous devons, en dépassant notre vision occidentale, favoriser les approches et visions du monde, multiplier les paroles et expériences. D’autres récits sont encore à écrire.

À n’en pas douter, ces enjeux figureront au coeur des débats de la prochaine conférence mondiale sur le climat, la COP21, qui se déroulera à Paris en décembre 2015. Comment favoriser une prise de conscience globale et active ? Comment faire en sorte que ces débats aboutissent enfin à des prises de décision opérationnelles ? Comment repenser notre devenir ?

En tant qu’acteur de la culture numérique et dans l’objectif de décrypter collectivement ces questionnements, PiNG propose d’ouvrir « 0.camp » comme espace de travail sur ces enjeux en 2015.

Comment les pratiques artistiques éclairent ce changement d’époque ? Comment les œuvres, les créations rendent visibles et palpables ces transitions ? Quels dispositifs de médiation, quelles démarches artistiques soutenir favorisant un partage et une compréhension des enjeux de l’anthropocène et de la 6ème extinction ?

Durant 6 mois, 0.camp organisera rencontres, ateliers, conférences, installations, performances au Lieu Unique à Nantes pour répondre à ces questions. Parallèlement un travail important de documentation vidéo, audio, web et d’édition permettra de constituer un corpus raisonné pour contribuer au débat dans le temps de la conférence mondiale sur le climat de Paris en décembre 2015.

Mots-clés : COP21, écologie, environnement, climat, réchauffement global, changement climatique, société industrielle, pollution, anthropocène, holocène, pléistocène, capitalocène, anglocène, chthulucène, âge glaciaire, déluges, géologie, géoingénierie, terres rares, terrien, humain, non-humain, posthumain, compost, anthropisation, colonisation humaine, zoologie, 6ème extinction, théorie synthétique de l’évolution, anthropocentrisme, co-évolution, autopoïétique, sympoïétique, relations interespèces, régénérescence, biodiversité, biologie, biologie de synthèse, biologie DIY, bio-hacking, design critique, biologie marine, espèces invasives, génétique, terra-biologie, terra-formation, planète laboratoire, désextinction, panspermie, biosphère, noosphère, autotrophie, nature, post-nature, transhumanisme, cosmisme, biophobie, biofascination, peur, cage d’acier, eschatologie, catastrophisme, téléologie, téléonomie, obsolescence, résilience, bioart, art science, artivisme, art d’investigation, art basé sur la recherche, compositionnisme, arts politiques, art lab, numérique, écriture collaborative, hackcop.