Méthode d'autodéfense intellectuelle
Connaître les illlusions logiques
Les illusions logiques comprennent les biais cognitifs, les paralogismes et les sophismes.
Un biais cognitif est une distorsion dans le traitement cognitif d'une information. Ils sont nés de l'optimisation de notre cerveau par l'évolution. Les biais nous concernent toutes et tous même si ces mêmes biais nous incitent à penser le contraire. Un traitement approfondi et méthodique de la réalité peut limiter temporairement l'impact de nos biais cognitifs. Les biais sont ancrés en nous et il semble difficile de les contenir.
Les sophismes sont des arguments, des raisonnements faux malgré une apparence de vérité (avec intention de mentir).
Les paralogismes sont des arguments, des raisonnements faux malgré une apparence de vérité (prononcé avec bonne foi).
Quelques illusions logiques importantes à comprendre et desquelles se méfier pour modifier notre traitement des informations :
Le biais de confirmation :
Le biais de confirmation consiste à privilégier les informations confirmant ses idées préconçues et/ou à accorder moins de poids aux informations jouant en défaveur de ses conceptions, ce qui se traduit par une réticence à changer d'avis.
Les algorithmes des outils informatiques peuvent accentuer cet effet en nous proposant des contenus personnalisés et nous renfermer dans une bulle de confirmation. Les réseaux sociaux et certains moteurs de recherche ont tendance à présenter surtout des contenus correspondant à nos propres opinions. On a alors l'impression que tout le monde pense comme nous car on ne voit plus que les contenus proches de nos idées. Le filtrage des informations est adressé aux personnes en fonction de leur activité passée, réalisé par les algorithmes enregistrant leurs centres d'intérêt.
Évidemment, même sans les algorithmes nous sommes empreint·es de ce biais, nous avons tendance, par exemple, à nous abonner à des journaux qui vont dans notre sens. De plus, la bulle, c’est nous qui la créons par des mécanismes typiques de reproduction sociale comme le choix de nos ami·es.
Pour juger d'une information nouvelle, il faut être capable de s'exposer aux arguments de celleux qui ne pensent pas comme nous et éviter ces bulles.
Le biais de conformisme :
Il s'agit justement du fait d'avoir tendance à penser comme mon entourage pense. Plus précisément, sans connaissance préalable ou terrain favorable, nous aurons presque toujours tendance à accepter l’habitude en usage dans le secteur où l’on s’installe.
Le biais de représentativité :
Il s'agit de la tendance à prendre quelques éléments isolés, peu représentatifs, pour des généralités. On fonde notre jugement ou on prend une décision à partir d'un nombre limité d'éléments que l'on considère comme représentatifs d'une population beaucoup plus large.
Le mille-feuille argumentatif :
Le mille-feuille argumentatif est une technique rhétorique qui vise à intimider celui·celle qui y est confronté·e, à le·la troubler et anesthésier son esprit critique. Il s’agit de le·la submerger par une série d’arguments empruntés à des champs très diversifiés de la connaissance, pour remplacer la qualité de l’argumentation par la quantité de fausses preuves. Il s’agit de créer l’impression que parmi tous les arguments avancés, tout ne peut pas être faux, qu’il n’y a pas de fumée sans feu.
Le biais d'autorité :
Il est provoqué par la présence de quelques éminent·es ou qualifié·es, même s’ils·elles parlent d’un sujet en dehors de leur champ de compétence. Nous aurons tendance à leur accorder une plus grande confiance.
L'affirmation du conséquent :
Il s'agit de croire qu'il n'y a qu'une explication à l'observation que nous faisons. C'est un sophisme par lequel on considère une condition suffisante comme une condition nécessaire. On traite alors une implication logique comme si elle était une équivalence logique. Exemple :
- S'il a plu (P), alors le sol est mouillé (Q).
- Le sol est mouillé (Q).
- Donc il a plu (P).
Sauf que le sol peut-être mouillé pour plein d'autres raisons.
La paréidolie :
Une paréidolie est un phénomène psychologique, impliquant un stimulus (visuel ou auditif) indéterminé, plus ou moins perçu comme reconnaissable. Ce phénomène consiste, par exemple, à identifier une forme familière dans un nuage ou aussi bien une voix humaine dans un bruit ou un discours prononcé dont le signal sonore est dégradé.
L'invocation à la nature :
C'est un procédé rhétorique qui suppose qu'une chose est bonne car naturelle, ou mauvaise car non naturelle. Le caractère naturel d'une chose ne donne pas d'indication.
L'appel à la tradition :
C'est un procédé rhétorique qui joue sur l’idée que l’ancienneté d’une théorie ou d’une assertion étaye sa pertinence.
L'appel à la popularité :
C'est un procédé rhétorique qui s'appuie sur le fait qu'une opinion soit largement répandue pour la justifier.
Conclusion sur les biais cognitifs
Comme le montre la première image, nous sommes sujet·tes à pléthore de biais cognitifs. L'objectif était ici d'en connaître un certain nombre afin de cultiver le doute dans nos jugements. Connaître ces biais ne doit pas amener à douter de tout, tout le temps ; il faut être capable de mettre des arguments dans la balance pour estimer le réel (Cf méthode scientifique).
Surtout, il faut se méfier des arguments qui nous donnent l'impression de deviner les sophismes ou biais chez quelqu'un·e.
Comprendre les niveaux de preuves
Une preuve est un fait ou un raisonnement propre à établir la vérité. Il est important d'avoir des raisonnements et des pratiques fondées sur les preuves, sur les faits, ou sur des données probantes pour ne pas faire fausse route. Les données probantes diminuent l'emphase donnée à l'intuition et aux argumentations physiopathologiques. Lorsque vous faites face à une information, il peut être bon de connaître la pyramide des preuves ci-dessous afin de prendre du recul.
Attention :
- La pyramide de hiérarchisation des preuves ci-dessus n'est applicable que dans certains domaines de la recherche. Elle s'adapte tout particulièrement à la recherche biomédicale.
- Cette hiérarchisation s’entend "toute choses égales par ailleurs". C'est-à-dire qu'une méta-analyse n'est pas forcément l’étude la plus pertinente à suivre : tout dépend de sa qualité. Un billet de blog peut être plus pertinent qu'une mauvaise méta-analyse. Une méta-analyse trop vieille peut être moins recommandable qu'une étude randomisée récente.
- Un essai randomisé de forte et de faible puissance n'a pas le même niveau de preuve. La qualité importe beaucoup (et non seulement le type d'étude). Le design d'une étude randomisée, bien qu'en haut de l'échelle des preuves, doit être bien mené pour être qualitatif (échantillon / statistique etc...).
- Le niveau de preuves ne dépend pas que de la qualité de l'étude mais de sa capacité à répondre à la question posée au départ.
Évaluer la qualité d'une étude est complexe. Chaque type d'étude comporte ses biais intrinsèques. Déterminer le type d'une étude est simple, c'est pourquoi cette pyramide est simpliste et comporte des inexactitudes. Bien saisir que les notions de témoignages, anecdotes personnelles, rumeurs et sagesses populaires n'ont pas valeur de preuve est peut-être l'idée simple à retenir de ces schémas. C'est aussi un outil intéressant pour comprendre que toutes les preuves ne se valent pas. N'y voyez pas un critère pour classer les études a priori. Je pense que le meilleur relais du consensus scientifique est l'avis d'une société d'experts (GIEC, OCDE, Académie de médecine etc).
Il y a consensus scientifique quand une large majorité de spécialistes du domaine la valide. C'est le cas pour le réchauffement climatique, le fait que la terre est ronde etc. En revanche, ce consensus n'est pas synonyme de vérité définitive mais c'est le plus haut degré de certitude qui existe à un moment donné.
En savoir plus :
Pyramide des preuves : quelle validité ? https://www.youtube.com/watch?v=wqfxgmumC8w
Médecine fondée sur les preuves : https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9decine_fond%C3%A9e_sur_les_faits
Vérifier une information
Vérifier une information c'est s'empêcher de tomber dans le piège d'une information mal conçue, mensongère, erronée etc.
Que faire face à une information ?
(les techniques développées ci-dessous sont non exhaustives)
Pour bien réagir au contact d'une information, nos priorités sont :
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Connaître le contexte :
Pour connaître le contexte vous devez remonter aux sources de l'information. Ça a été écrit quand ? par qui ? sur quel site ? afin de connaître le contexte.
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Vérifier les sources :
Vérifier les faits de la source c'est les trouver et les lire. Il peut arriver qu'une source soit déformée ou dise l'inverse de l'information que vous consultiez, que ce soit par mauvaise compréhension du vulgarisateur ou par intention de manipuler.
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Croiser les sources :
Croiser les sources permet d'éviter d'être face à des faits ou données qui donnent du crédit à une opinion en passant sous silence tous les cas qui la contredisent (Cherry Picking).
Vous défendre avec le numérique :
Les sources sont données :
En général, les sources d'un articles se trouvent en bas de page ou directement en hyperlien dans le texte d'un article de journal ou d'un billet de blog. Vous pouvez aussi trouver les sources d'une vidéos dans la description, sur la plateforme qui héberge la vidéo.
Si les sources n'apparaissent pas, vous allez devoir faire la recherche vous-même avec les indices dont vous disposez.
Les commentaires :
Lire les commentaires d'une information (post / vidéo etc) peut aussi donner l'accès à des opinions différentes et parfois à des démystifications sourcées ou avec des raisonnements cohérents.
Utiliser un moteur de recherche :
Vous pouvez commencer à copier-coller le titre de l'information qui vous parvient dans un moteur de recherche. Comme vu précédemment, certains moteurs de recherche renvoient souvent vers des articles partageant la même opinion que vos précédentes recherches, vous pouvez utiliser Qwant ou duckduckgo pour éviter des bulles de filtres. Vous pouvez aussi ajouter l'un des termes suivants pour obtenir des informations contradictoires "fake", "faux", "mensonge"...
Face à un sujet technique :
Sur des sujets techniques denses dont l'abord n'est pas facile, vous pouvez demandez à des expert·es de vous conseiller : Twitter n'est pas un mauvais outil pour rentrer en contact avec certain·es d’entre elleux. Vous pouvez aussi connaître leur point de vue en les lisant ou en écoutant leurs conférences et/ou interview. Comme vu précédemment, ces avis ne constituent pas "des preuves" mais vous permettent de croiser des opinions et d'aborder un sujet technique rapidement et de mieux cerner la complexité d'un sujet. Généralement, ces spécialistes étayent leur propos par des sources que vous pouvez consulter et traiter. Un·e expert·e d'un domaine est quelqu'un·e reconnu·e comme spécialiste par ses pairs. Cette notion est parfois mal cernée par les médias et le grand public. Attention à l’annotation "expert" quand vous la voyez !
Cependant, exposer votre apriori à quelqu'un·e qui contredit celui·celle-ci (expert ou non) reste une manière de cultiver son esprit critique et sortir de sa bulle.
Les lignes éditoriales :
Sur le même principe, connaissez les positionnements idéologiques, la ligne éditoriale des journaux / blogs / expert·es que vous consultez permet de cultiver sa méfiance et ensuite consulter des presses aux pensées opposées. Il n'y a pas vraiment de journaux fiables ni de journaux non fiables, tous les journaux peuvent dire des choses fausses ou des choses vraies. Comme pour les conflits d'intérêts en science, ce n'est pas parce qu'un·e journaliste est idéologiquement anti-OGM ou qu'un journal est financé par tel·le industriel·le que vous pouvez déduire de la bonne ou mauvaise qualité d'une information. La connaissance d'un positionnement idéologique ou d'un conflit d'intérêt vous aide juste à comprendre pourquoi une information relayée est erronée si elle est erronée. Attention, nous avons tendance à ne plus croire quelqu'un·e qui s'est précédemment trompé·e ou nous a manipulé·es, pourtant cela n'indique pas si une nouvelle affirmation de cette personne est erronée ou non.
Sites humoristiques :
Vérifiez que le site ne soit pas dans une liste de sites sur lequel vous consultez une info n'est pas parodique à but humoristique. Quelques exemples : https://www.topito.com/top-sites-infaux-parodique-gorafi
D'autres sites fonctionnent comme aspirateurs à clic, leur but est simplement que vous cliquiez dessus afin de générer des pubs et de l'argent. Ces sites peuvent avoir des titres très émotionnels et ne pas être factuel du tout.
S'exercer au montage et repérer des trucages :
S'exercer au montage ne suffit pas à déceler les photomontages ou vidéo truquées mais peut vous aider à remarquer les plus évidents. Il a en va de même sur les graphiques. Bien lire des graphiques peut vous empêcher de tomber dans pièges faciles :
Des logiciels peuvent aussi vous aider à déceler des images retouchées. C'est le cas de fotoforensics et JPEGsnoop. Vous trouverez les limites et utilisations de ces logiciels ici.
La recherche par image :
Afin de retrouver la source ou l'origine d'une image vous pouvez suivre le tuto ci-dessous. Il est aussi possible de faire pause sur des vidéos utilisant des images pour les rechercher.
Rechercher une info dans des articles de journaux :
Chercher une info douteuse sur un moteur de recherche générique propose les sites les mieux référencés, et les mieux référencés sont les plus vus, les plus lus, les plus cités. Google Actualités, Bing Actualités , Yandex News et Qwant actualité retournent que des articles journalistiques écrit par des journalistes de profession. Attention il y a un biais car ces sites choisissent qui ils considèrent comme étant des sites journalistiques. Ça reste une bonne idée de rechercher dessus car les onglets actualités des moteurs de recherche à large index vous permettent, en entrant le titre d’une information, de vérifier si elle a été reprise par d’autres sources voire déjà signalée comme “fake”.
Chercher une info dans les livres numériques :
Chercher l'info douteuse sur Google Books ne retournent que des livres publiés chez des éditeurs. Ce n'est pas une garantie de sérieux, mais vous aurez filtré quelques biais sensationnalistes écrit par des anonymes et/ou surtout dans un livre on a plus de chance de trouver des sources dans la bibliographie, ce qui est crucial pour nous.
Chercher une info dans la littérature scientifique :
Sur Google scholar ou Pubmed (pour le biomédical seulement) vous ne trouverez que des articles scientifiques issus de comités de relectures.
Vous pouvez aussi utiliser Scihub qui fournit un accès libre à des articles scientifiques obtenus par web scraping en contournant les verrous d'accès payant classiques des éditeurs académiques. Pour de nombreux chercheurs, il s'agit d'un outil incontournable pour la recherche scientifique, des connexions au site ont lieu partout dans le monde. Ici vous trouverez une initiative pour "sauver Sci Hub" et des tutos pour y accéder car ce site est bloqué en France. Vous pouvez aussi utiliser Tor pour y accéder.
Utiliser un plug-in de fact-checking :
Captain Fact est un est une plateforme d'annotation et de vérification collaborative de vidéos, conçue pour vérifier les contenus lors de diffusions vidéos.
En savoir plus :
Analyser les images : https://www.youtube.com/watch?v=miJ2ObMs-I4